Le film des échauffourées au Parlement béninois nées de la crise autour de la mise en œuvre de la décision de la Cour constitutionnelle

Publié le par Souaïbou Farougou

assemblee nationaleLa tension était à son comble le jeudi 17 février 2011 dans l’hémicycle béninois lors de la tentative de désignation de secrétaires parlementaires ad’ hoc décidée par la Cour constitutionnelle pour palier le blocage du processus électoral. Voici le récit de quatre grands temps de chaudes empoignades entre députés.




Jeudi 17 février 2011 à 14 heures 32 minutes. Le professeur Mathurin Coffi Nago, la mine tendue comme la plupart de ses collègues, toutes tendances confondues, fait son entrée à l’hémicycle. Visiblement, on pouvait déjà soupçonner un affrontement en vue. Inutile de rappeler qu’aucun des deux secrétaires parlementaires n’était présent. Brièvement, le président de l’Assemblée nationale rappelle les difficultés qui empêchent jusque-là, la désignation des membres des Commissions électorales communales (Cec) et des arrondissements (Cea). Il poursuit en indiquant la réaction de la Cour constitutionnelle qui s’est fondée sur l’article 114 de la loi fondamentale pour apporter une solution à la situation qui prévaut au Parlement. Et c’est justement au moment où Mathurin Coffi Nago commençait à lire la décision de la Haute juridiction qui oblige la représentation nationale à procéder au remplacement des secrétaires parlementaires défaillants, que la tension est montée d’un cran. Son collègue Augustin Ahouanvoébla lui rappelle les dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, pour finir par démontrer que le président Nago a déjà violé les textes fondamentaux de la République en officiant une plénière en l’absence des secrétaires parlementaires. Le président du groupe parlementaire Prd-Prs invite alors le professeur Nago à ne plus continuer à bafouer les lois que le pays s’est données. ‘’ Monsieur le président, vous n’êtes pas fondé à lire cette décision. Vous ne pouvez pas délibérer sans secrétaires parlementaires. Si vous continuez, je viendrai vous arracher le document par respect à nos textes’’. C’est cette façon de présenter la situation qui a été la dernière goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Presque tous les députés ont quitté leurs places pour prendre position. Célestine Adjanohoun, Djibril Mama Débourou, Justin Sagui et des députés de l’opposition très remontés, n’ont pas apprécié cette déclaration de leur collègue Ahouanvoébla et sont vite descendus pour l’empêcher de monter au perchoir. Dans la même dynamique, la garde rapprochée du président Mathurin Coffi Nago observait déjà une haie pour bloquer le député Prd. On s’insultait, on se menaçait et la tension était vraiment à son comble. Entre temps, ce dernier est revenu à sa place et continuait d’empêcher Nago de lire. C’est alors qu’un soldat, le sergent-chef Amadu Aballo l’un des gardes du corps du président de l’Assemblée nationale fit irruption et s’est jeté sur le député Prd pour lui retirer le micro. On venait ainsi de franchir le rubicond. C’était un tollé général. Parce que c’est la toute première fois depuis 1990 qu’un député a été violenté par un soldat sur la demande du président de l’institution. Et tous les députés de l’opposition, décident de soutenir leur collègue agressé dans une pagaille plutôt inédite. Mais cela n’a pas empêché Nago égal à lui-même, de poursuivre la lecture de la décision de la Cour qu’il finit par transmettre à la Commission des lois pour un rapport oral.

Un retour en salle plus tumultueux

Le retour en plénière et la tentative de Nago de faire désigner à tout prix de nouveaux secrétaires parlementaires en remplacement de Joachim Dahissiho et de Mme Amissétou Affo Djobo a vite dégénéré et débouché sur une « séance de musique ». Presque tous les députés de l’opposition tapaient sur la table. Entre temps, l’honorable Eric Houndété a commencé par distribuer des gongs à ses collègues pour mieux tambouriner. Situation qui a provoqué une suspension des travaux. Le président Nago dépassé par la situation, a habilement initié cette suspension. Il venait ainsi d’aider à bloquer définitivement le processus. Parce qu’au retour dans l’hémicycle 15 minutes après, il n’a pas eu accès à son perchoir. L’opposition mieux organisée, avait déjà occupé la place de Nago. Certains d’entre les députés avaient même barré la voie du perchoir. Epiphane Quenum et Ange-Marie Leroux s’étaient même assis à même le sol. Leur collègue Jude Lodjou s’est retrouvé dans l’escalier pendant que Jean-Baptiste Edayé et Ismaël Tidjani Serpos jouaient respectivement au secrétaire général administratif et au directeur des services législatifs.

Une plainte au commandement militaire

Dans la foulée, les députés de l’opposition très remontés contre le traitement infligé par un soldat à leur collègue en pleine plénière, ont déposé une plainte au commandant militaire de l’Assemblée nationale. C’est le premier vice-président André Dassoundo qui conduisait la délégation qui a présenté les faits. Ils demandent ensuite que tous les soldats concernés par l’agression d’Ahouanvoébla soient retirés de l’effectif militaire du Parlement. Son collègue Epiphane Quenum prend la balle au bond et accuse le Colonel Guy Adjaho d’avoir été l’instigateur du drame. C’est ce qui a fâché le commandant qui fait le point du cahier de charge des militaires au Parlement. Selon lui, les soldats sont là pour assurer la sécurité des députés et en premier du président de l’Assemblée nationale. Le Colonel Adjaho balaie d’un revers de main les accusations de Quenum et affirme qu’au cas où la classe politique ira jusqu’à enflammer le pays, l’armée avisera. Dès leur retour dans l’hémicycle, ils ont pris d’assaut le perchoir pour empêcher jusqu’au-delà de 22 heures la tenue effective de la plénière.

Par le Matinal
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article