La LEPI au Bénin: un problème ou une solution pour les élections?

Publié le par Souaïbou Farougou

drapeaubeninL Liste électorale permanente informatisée (LEPI) est actuellement l'objet de toutes les controverses au Bénin. Pourtant, l'utilisation de cet outil de transparence des élections a été adoptée par l'ensemble de la classe politique béninoise depuis la fin des années 90 et elle figure bien dans les différentes lois régissant les élections au Bénin. Alors pourquoi cette polémique autour de l'instrument voulu par tout le monde?

Difficultés de réaliser la LEPI déjà sous le Président Kérékou
Dans le but de moderniser le dispositif électoral au Bénin et de garantir la transparence des élections, une étude a été commanditée sous le règne du Président Mathieu Kérékou. Au nombre des recommandations retenues figure la Liste électorale permanente informatisée qui devrait permettre de mettre fin à l’utilisation des listes manuelles confectionnées généralement en deux semaines après l'installation des Commissions électorales nationales autonomes. Ces listes étaient non seulement archaïques, mais également laissaient la porte ouverte à tous les abus: inscription de non béninois, inscription de personnes n'ayant pas l'âge de voter, inscriptions multiples de certains citoyens de mauvaise foi etc. De plus, à l'ère de l'informatique, on ne pouvait plus continuer d'utiliser les listes manuelles dont la réalisation revenait cher au contribuable béninois et qui devait être renouvelée à toutes les élections. Le Président Kérékou avait donc vu juste en proposant son remplacement par la LEPI. Depuis la fin des années 90, la LEPI est constamment apparue dans les lois générales pour les élections au Bénin, mais faute de sa réalisation, des dérogations avaient toujours été adoptées par les députés pour permettre l'utilisation de la liste manuelle. Vers la fin de son deuxième mandat, le Président Kérékou avait engagé le processus de réalisation de la LEPI et le Ministre en charge des relations avec les institutions (Alain Adihou) devrait en assurer la direction. C'était le moment idéal pour réaliser cet outil, car le Président Kérékou ne devrait pas être suspecté de manipulations du moment où il était constitutionnellement écarté de la course à l'élection présidentielle suivante. Mais comme le Bénin est caractérisé par la méfiance réciproque de ses politiciens, malgré la disponibilité des ressources, les députés ont empêché le démarrage de la confection de la LEPI et le Ministre Alain Adihou, entre temps suspecté de malversation des fonds prévus pour la réalisation de la LEPI, a été confié à la Haute cour de justice. 

Souci de Boni Yayi de garantir la transparence des élections au Bénin
Le Président Boni Yayi, qui a pris l'engagement de réaliser la LEPI pour moderniser le système électoral, a relancé la machine deux ans après son avènement au pouvoir. Ce retard a été justifié par les élections législatives organisées en 2007 et les élections communales et locales organisées en 2008 qui n'offraient pas un contexte favorable à la réalisation de la LEPI. Lorsque la loi a été adoptée à l'unanimité moins une voix, tout le monde s'est réjoui de ce consensus favorable au bon déroulement du processus. Erreur. Très tôt, les velléités se sont déchaînées et l'organe politique de supervision (CPS-LEPI), dans lequel siègent pourtant toutes les sensibilités politiques, a été l'objet de toutes les suspicions. Le premier Superviseur général (Epiphane Quenum) qui, en tant que membre de l'opposition, devrait rassurer sur la transparence du processus a fait l'objet de vives critiques en provenance de son bord politique jusqu'à son remplacement. Chose curieuse, la démarche de l'opposition a été constante au vu des observateurs : empêcher la réalisation de la LEPI. C'est ainsi que des tentatives d'abrogation de la loi, la démission des membres de l'opposition siégeant au niveau de la CPS-LEPI, des appels au boycott, des marches de protestation, des attaques véhémentes contre les partenaires techniques et financiers etc.  ont été orchestrés tout au long du processus. Malgré tout, les organes chargés de la réalisation de cet outil ont maintenu le cap et vont rendre disponible la LEPI le 20 février prochain.

Des questions qui nécessitent des réponses
Il est certain qu'un tel instrument, confectionné dans une telle atmosphère de suspicion et de sabotage, ne peut pas être parfait. Des béninois de bonne ou de mauvaise foi, n'ont pas pu s'inscrire sur la liste électorale. Mais est-ce une raison valable pour demander le report de  l'élection présidentielle au delà des délais constitutionnels alors que les organes chargés d'organiser cette élection se disent prêts à relever le défi? A ceux qui pensent que la LEPI dans sa forme actuelle, au lieu d'être une solution pour la transparence des élections, est plutôt un problème, on est en droit de poser les questions suivantes : les listes manuelles utilisées par le passé sont-elles plus fiables que la LEPI actuelle? Les listes manuelles étaient-elles exhaustives? Quel est le taux d'inscription acceptable pour aller aux élections étant donné que l'inscription est un acte volontaire?  Avec les listes manuelles, est-ce qu'on connaissait le pourcentage de non inscrits? L'opposition préconisait aussi une liste de substitution au cas où la LEPI ne serait prête et accuse de ce fait la Cour constitutionnelle d'être à l'origine de "l'impasse" actuelle. Quand on sait que c'est la CENA qui doit réaliser une telle liste, est-ce la CENA installée à un mois de l'élection présidentielle était-elle capable de réaliser une liste plus fiable que la LEPI? Est-ce que le taux d'inscription global atteint par la LEPI favorise un candidat à l'élection présidentielle au détriment des autres? 

Fiabilité de la LEPI confectionnée par la MIRENA sous la supervision de la CPS-LEPI
La réponse à ces questions devrait permettre de comprendre que la LEPI, même dans sa forme actuelle, donne les mêmes chances aux différents candidats à l'élection présidentielle et il est possible d'organiser des élections crédibles avec un telle liste. Ceux qui ne figurent pas actuellement sur ladite liste pourront être intégrés au fur et à mesure, car c'est pour la première fois que la LEPI est réalisée au Bénin et il est tout à fait normal qu'il y ait des imperfections. Inutile donc de mettre le Bénin dans une incertitude et que les députés épargnent les populations du spectacle désolant qu'ils ont offert le jeudi 17 février 2011. Qu'ils se conforment surtout aux décisions de la Cour constitutionnelle en désignant les membres des Commissions électorales communales (CEC) et des Commissions électorales d'arrondissement (CEC) pour la bonne tenue de l'élection présidentielle le 6 mars 2011.
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